Le bagne militaire de Téboursouk
« Biribi a plusieurs maisons-mères :
Au Maroc : Dar-Bel-Hamrit.
En Algérie : Bossuet, Orléansville, Douéra, Bougie, Aïn-Beida.
En Tunisie : Téboursouk. »
(Albert Londres, Avant-propos dans Dante n’avait rien vu, 1924.)
A la fin du XIXe s. et jusqu’en 1929, la France disposait de trois catégories d’établissements pénitentiaires destinés à l’incarcération des militaires :
- les « prisons militaires », qui recevaient en principe les individus frappés d’un emprisonnement qui ne dépassait pas un an et enfermaient en outre des prévenus, des condamnés de passage, parfois aussi des officiers punis des arrêts de forteresse ;
- les « pénitenciers militaires », où étaient détenus les individus condamnés à un emprisonnement supérieur à un an et soumis aux travaux forcés ;
- les « les ateliers de travaux publics » (équivalent du bagne) où sont envoyés les militaires condamnés à la peine spéciale des travaux publics, dont la durée est de deux à dix ans.
Parmi les 29 établissements existant en France et dans ses colonies ou protectorats, celui de Téboursouk était mixte, réunissant atelier et pénitencier.
Le bagne de Téboursouk a été créé en 1901 pour recevoir tous les condamnés militaires provenant de la division d’occupation de la Tunisie. On peut considérer, qu’au cours du tout début du XXe s., la plupart des grands travaux routiers et agricoles des environs de Téboursouk, de tracés de voierie et d’adduction d’eau, de constructions publiques et d’aménagement urbain ont été alors réalisés grâce à cette force de travail mise « généreusement » à la disposition des administrations civiles et militaires par les Conseils de Guerre. Les conditions de vie y étaient terribles comme l’assure Albert Londres qui, dans le cadre d’une mission, rend visite à plusieurs établissements pénitentiaires militaires d’Afrique du Nord et publie en 1924 son ouvrage, Dante n’avait rien vu. Il dénonce devant l’opinion publique avec virulence les conditions d’internement des détenus soulignant en avant-propos que Téboursouk n’a rien à envier à « Biribi ». La presse s’émouvant de ce récit de sévices infligés aux condamnés militaires, les autorités entreprennent à partir de 1925 des réformes : refonte du code de justice militaire, commissions d’enquête, fermeture d’établissements, instructions détaillant le fonctionnement des établissements. Seuls quatre ateliers de travaux publics sont maintenus dans les pénitenciers : ceux d’Albertville en France, de Kénitra-Sidi Ali d’Azemmour au Maroc, d’Orléansville en Algérie et de Téboursouk en Tunisie continuent à recevoir les condamnés à plus d’un an de détention, les autres prisons accueillant les courtes peines. Peu après, en 1931, l’atelier de travaux publics du pénitencier de Téboursouk est fermé, son rôle se restreignant à celui de simple prison militaire pour les courtes peines. Exceptionnellement, des détenus civils, militants indépendantistes importants y sont incarcérés, ainsi en 1938, Habib Bourguiba.
Durant la seconde guerre mondiale, cette prison accueille de 1940 à 1942 des sous-officiers et officiers qui s’opposent au régime de Vichy. Trop proche du front, bombardée en 1942, elle est évacuée en mars 1943. Après la victoire des Alliés, des détenus prisonniers de guerre, Allemands et Alsaciens-Lorrains des armées du Reich y sont momentanément détenus jusqu’en 1945. En 1947, l’établissement pénitencier est définitivement fermé et ses prisonniers transférés à la prison militaire de Tunis.
Commentaires (1)
1. Massy Jean-Luc 09/03/2012
Le bagne militaire de Téboursouk
« Biribi a plusieurs maisons-mères :
Au Maroc : Dar-Bel-Hamrit.
En Algérie : Bossuet, Orléansville, Douéra, Bougie, Aïn-Beida.
En Tunisie : Téboursouk. »
(Albert Londres, Avant-propos dans Dante n’avait rien vu, 1924.)
A la fin du XIXe s. et jusqu’en 1929, la France disposait de trois catégories d’établissements pénitentiaires destinés à l’incarcération des militaires :
- les « prisons militaires », qui recevaient en principe les individus frappés d’un emprisonnement qui ne dépassait pas un an et enfermaient en outre des prévenus, des condamnés de passage, parfois aussi des officiers punis des arrêts de forteresse ;
- les « pénitenciers militaires », où étaient détenus les individus condamnés à un emprisonnement supérieur à un an et soumis aux travaux forcés ;
- les « les ateliers de travaux publics » (équivalent du bagne) où sont envoyés les militaires condamnés à la peine spéciale des travaux publics, dont la durée est de deux à dix ans.
Parmi les 29 établissements existant en France et dans ses colonies ou protectorats, celui de Téboursouk était mixte, réunissant atelier et pénitencier.
Le bagne de Téboursouk a été créé en 1901 pour recevoir tous les condamnés militaires provenant de la division d’occupation de la Tunisie. On peut considérer, qu’au cours du tout début du XXe s., la plupart des grands travaux routiers et agricoles des environs de Téboursouk, de tracés de voierie et d’adduction d’eau, de constructions publiques et d’aménagement urbain ont été alors réalisés grâce à cette force de travail mise « généreusement » à la disposition des administrations civiles et militaires par les Conseils de Guerre. Les conditions de vie y étaient terribles comme l’assure Albert Londres qui, dans le cadre d’une mission, rend visite à plusieurs établissements pénitentiaires militaires d’Afrique du Nord et publie en 1924 son ouvrage, Dante n’avait rien vu. Il dénonce devant l’opinion publique avec virulence les conditions d’internement des détenus soulignant en avant-propos que Téboursouk n’a rien à envier à « Biribi ». La presse s’émouvant de ce récit de sévices infligés aux condamnés militaires, les autorités entreprennent à partir de 1925 des réformes : refonte du code de justice militaire, commissions d’enquête, fermeture d’établissements, instructions détaillant le fonctionnement des établissements. Seuls quatre ateliers de travaux publics sont maintenus dans les pénitenciers : ceux d’Albertville en France, de Kénitra-Sidi Ali d’Azemmour au Maroc, d’Orléansville en Algérie et de Téboursouk en Tunisie continuent à recevoir les condamnés à plus d’un an de détention, les autres prisons accueillant les courtes peines. Peu après, en 1931, l’atelier de travaux publics du pénitencier de Téboursouk est fermé, son rôle se restreignant à celui de simple prison militaire pour les courtes peines. Exceptionnellement, des détenus civils, militants indépendantistes importants y sont incarcérés, ainsi en 1938, Habib Bourguiba.
Durant la seconde guerre mondiale, cette prison accueille de 1940 à 1942 des sous-officiers et officiers qui s’opposent au régime de Vichy. Trop proche du front, bombardée en 1942, elle est évacuée en mars 1943. Après la victoire des Alliés, des détenus prisonniers de guerre, Allemands et Alsaciens-Lorrains des armées du Reich y sont momentanément détenus jusqu’en 1945. En 1947, l’établissement pénitencier est définitivement fermé et ses prisonniers transférés à la prison militaire de Tunis.